Les chroniques du club lecture

La médiathèque accueille chaque mois un club lecture ouvert à tous.

Un mercredi par mois (à l'exception de juillet et août), de 18h30 à 20h30, venez partager vos coups de coeur ou vos déceptions avec d'autres lecteurs. Il peut s'agir d'un livre de fiction, mais aussi d'un documentaire, d'un article, d'un magazine... Choisissez un ouvrage ou un auteur à présenter et expliquez-nous ce qui vous a plu, déplu, étonné, transporté, amusé, touché ! Les échanges avec les autres participants vous feront sûrement découvrir de nouvelles pépites à ajouter à votre liste de lecture. Vous n'êtes pas obligés de participer à toutes les séances : venez quand vous le souhaitez !

 

Retrouvez ci-dessous les chroniques du mois de juin, dernière séance avant l'été !

 

the nice house

The nice house on the lake, James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno (BD ados / adultes, 2 tomes sortis en 2023, troisième tome à paraître)

Le résumé : « Tous les conviés connaissent Walter - enfin, ils le connaissent un peu, en tout cas. Certains l'ont rencontré dans leur enfance, d'autres l'ont rencontré quelques mois auparavant. Et Walter a toujours été un peu... absent. Mais après une année difficile, personne n'allait refuser l'invitation de ce dernier dans une maison de campagne située à l'orée d'un bois et avec vue sur lac. C'est beau, c'est opulent, c'est privé ? De quoi supporter les petites combines et les surnoms bizarres donnés par Walter. Mais ces vacances de luxe revêtent très vite des airs de prison dorée. » On comprend en fait qu’il s’agit d’un scénario de fin du monde, dans lequel seule cette étrange maison semble épargnée par l’apocalypse, sans que l’on sache pourquoi.

L'avis du lecteur : Une lecture très intéressante mais parfois complexe. Les personnages étant très nombreux, une feuille récapitulant tous les protagonistes et une ou deux de leurs caractéristiques a été nécessaire pour tout comprendre. Le dessin, qui ressemble parfois presque à de la peinture, change par moments un peu de style et contribue aux différentes atmosphères de l’histoire. Des épisodes de flashforward (sauts en avant dans l’avenir) ponctuent l’intrigue. Malgré tout, on rentre finalement très bien dans cette histoire captivante et originale, écrite et dessinée de manière très cinématographique. On a hâte de connaître la suite dans le tome 3 (à venir) ! Cette BD peut aussi être lue par un public ado (à partir de 14 ans).

 

Zulu Lëd

Auteur : Caryl Férey

L'avis de la lectrice : Caryl Férey est un auteur de polars engagé, qui met en scène dans ses livres des sociétés ayant vécu ou vivant encore sous dictature. L’auteur utilise ses intrigues fictionnelles pour raconter l’histoire et le quotidien de ces endroits du monde bien réels. Caryl Férey décrit très bien les difficultés sociales et politiques des décors choisis, tout en déroulant des enquêtes complexes, réunissant beaucoup de personnages, menées tambour battant. Livre conseillé pour découvrir son œuvre : Zulu. Il a notamment écrit sur l’Afrique du Sud, l’Amérique latine, mais aussi la Russie avec son roman Lëd, qui se déroule en Sibérie, dans la ville la plus polluée du monde, Norilsk.

Résumé de Zulu (roman policier, 2008) : « Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d'Afrique, bat tous les records. Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds... Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale... »

Résumé de Lëd (roman policier, 2021) : « Norilsk est la ville de Sibérie la plus au nord et la plus polluée au monde. Dans cet univers dantesque où les aurores boréales se succèdent, les températures peuvent descendre sous les 60°C. Au lendemain d'un ouragan arctique, le cadavre d'un éleveur de rennes émerge des décombres d'un toit d'immeuble, arraché par les éléments. Boris, flic flegmatique banni d'Irkoutsk, est chargé de l'affaire. Dans cette prison à ciel ouvert, il découvre une jeunesse qui s'épuise à la mine, s'invente des échappatoires, s'évade et aime au mépris du danger. Parce qu'à Norilsk, où la corruption est partout, chacun se surveille. Et la menace rôde tandis que Boris s'entête... Lëd (« glace » en russe) est une immersion dans une russie de tous les extrêmes. Caryl Férey au sommet de son art. »

 

ID meurtrières

Les identités meurtrières, Amin Maalouf (documentaire, 1998)

Le résumé : « Que signifie le besoin d'appartenance collective, qu'elle soit culturelle, religieuse ou nationale ? Pourquoi ce désir, en soi légitime, conduit-il si souvent à la peur de l'autre et à sa négation ? Nos sociétés sont-elles condamnées à la violence sous prétexte que tous les êtres n'ont pas la même langue, la même foi ou la même couleur ? Né au confluent de plusieurs traditions, le romancier du Rocher de Tanios (prix Goncourt 1993) puise dans son expérience personnelle, aussi bien que dans l'histoire, l'actualité ou la philosophie, pour interroger cette notion cruciale d'identité. Il montre comment, loin d'être donnée une fois pour toutes, l'identité est une construction qui peut varier. Il en dénonce les illusions, les pièges, les instrumentations. Il nous invite à un humanisme ouvert qui refuse à la fois l'uniformisation planétaire et le repli sur la " tribu ". »

L'avis du lecteur : Ce livre évoque les questions de la différence, de la ressemblance et de la cohabitation. Paru en 1998, il traite pourtant d’un sujet toujours aussi actuel, si ce n’est encore plus prévalent aujourd’hui. L’auteur y développe l’idée d’un équilibre nécessaire mais fragile dans nos sociétés : n’être ni trop différent, ni trop ressemblant pour vivre ensemble. Cela fait écho à la notion de « communauté(s) », au sens social / ethnique / religieux, que l’on voit apparaître de plus en plus souvent dans les médias actuels, et qui peut être aussi bien vecteur de rassemblement et de solidarité que de conflits. Le titre est très évocateur : les identités peuvent devenir meurtrières si l’on n’est pas vigilant. Ce livre est important mais « dangereux », car il met sur la table des sujets difficiles et avance des idées et citations qui peuvent être facilement instrumentalisées pour exprimer un message qui n’est pas celui voulu par l’auteur. Exemple de citation : « S'enfermer dans une mentalité d'agressé est plus dévastateur encore pour la victime que l'agression elle-même. »

 

Mémoire de fille

Mémoire de fille, Annie Ernaux (roman, 2016)

Le résumé : « "J’ai voulu l’oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est-à-dire ne plus avoir envie d’écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n’y suis jamais parvenue." Dans Mémoire de fille, Annie Ernaux replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l’Orne. Nuit dont l'onde de choc s’est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années. S’appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu’elle a été dans un va-et-vient implacable entre hier et aujourd’hui. »

L'avis de la lectrice : Ce livre semble tout d’abord évoquer un événement dramatique, un viol peut-être, dans la vie de l’écrivaine. Elle y raconte pourtant simplement sa première relation sexuelle, marquante mais pas traumatique. Annie Ernaux se sert en fait de ce souvenir comme d'un support pour revenir sur cette période de sa vie, ses souvenirs, et essayer de retrouver cette jeune femme qu’elle était. Ce livre a en effet été écrit 58 ans après la période évoquée (1958), alors que l’écrivaine avait 76 ans. On peut tous s’identifier à ce phénomène, cette impression que son « moi jeune » est à la fois la même personne et un(e) parfait(e) étranger(e). L’écriture fait très bien remonter à la surface ce sentiment de nostalgie, difficile à exprimer mais que l’on ressent profondément. Annie Ernaux écrit toujours sur sa propre vie et a d’ailleurs parfois été critiquée pour ça. On peut notamment citer des réactions négatives quand le prix Nobel de littérature lui a été décerné en 2022. Pourtant, même si elle parle toujours d’elle-même dans ses livres, son écriture offre aussi un regard sur la société, en l’occurrence la société des années 1950 vue à travers les yeux d’une jeune fille issue d’un milieu modeste.

 

La Russie selon Poutine, Anna Politkovskaïa (documentaire, 2005)

Le résumé : « "Pourquoi je n'aime pas Poutine ?" s'interroge Anna Politkovskaïa. La réponse est simple et nette : "Parce qu'il n'aime pas son peuple !" Parce qu'il se comporte dans la plus pure tradition du KGB dont il est issu, avec un cynisme inégalable. A travers une succession de récits et de rencontres, en reprenant des dossiers tels que ceux des criminels de guerre, des "petits arrangements" qui lient mafia, police et justice, ou des tragédies de prises d'otages à Moscou ou à Beslan, la journaliste dresse un portrait douloureux de ses concitoyens et de son pays. Au fil des pages, c'est l'inhumanité du régime russe et de son premier dirigeant qui transpire. "Nous ne sommes rien, alors qu'il est tsar ou Dieu." »

L'avis de la lectrice : Un éclairage très pertinent sur ce qui se passe actuellement en Russie. Ecrit en 2005, il montre une réalité qui n’a malheureusement pas changé depuis. Anna Politkovskaïa, journaliste russe (qui a notamment beaucoup écrit sur le conflit tchétchène) et militante connue pour son opposition à Poutine, a été assassinée en 2006.